lundi 17 septembre 2012

Television - Marquee Moon

Marquee Moon est un album un peu à part dans toute discographie. Considéré par les critiques comme un album de punk, il est bien difficile de ranger les 8 chansons qui composent l'album (+2 inédits et 3 versions alternatives sur la version collector hautement recommandée) dans la catégorie punk, avec des durées entre 4 et 10 minutes, des solos de guitare à tout va et une rythmique bien plus lente que celle des Ramones et autres Sex Pistols. Pour autant comment qualifier cette musique?

Critique de l'album

Et bien, dur à dire. Ce qui frappe aux premières écoutes, c'est la section rythmique qui sert à merveille les circonvolutions de guitares, comme si la musique était un grand tourbillon. Un peu comme l'hypnose des musiques psychédéliques? Oui, il y a de ça, et l'influence de Arthur Lee et ses Love est palpable sur le jeu de guitare de la bande de Tom Verlaine, mais pour autant, ce n'est pas une musique enlevée comme le rock psyché, qui offrait une hypnose en pleine montée. La musique de Television file un sacré vertige et ressemble plus à une chute sans fin, dont l'impact sur terre serait effectivement la rage punk. Car entre temps, il y a eu le Velvet Underground qui a quelque peu changé la façon de concevoir la musique. Alors oui, entre Love et le Velvet, on retrouve les premières influences de ce Marquee Moon.
Mais les influences ne sont pas la musique. Car le groupe a son propre son, sa propre construction, ou plutôt sa propre déconstruction. Servie par des riffs de guitare à se damner de bonheur, chaque chanson fait semblant de ressembler au format pop pour mieux s'en affranchir et prendre son propre chemin. Cette façon de se perdre et ce vertige sont accentués par la voix blanche de Tom Verlaine, qui proclame ses textes autant qu'il les chante. En même temps, et dans la même ville, David Byrne chante Psycho Killer avec la même voix inqualifiable, sans qu'on sache qui a influencé qui. Cette approche quasi martiale du chant et de la musique, et cette énergie brute et qui dégage une sorte de lumière froide, évoque Joy Division. Pour autant, on n'est pas dans un monde aussi dur que celui de Ian Curtis. Car la musique de Television a suffisamment emprunté au psyché pour ressembler à un groupe de rock qui reprendrait, toutes guitares dehors, des œuvres de musique classique réécrite par un jazzman fou (disons Coltrane période Love Supreme).
Et l'album de devenir par lui-même un classique instantané. Chaque chanson amène son lot de plaisir. Depuis See No Evil, sorte de cri primaire, où Television nous ouvre les portes de son univers, à Torn Curtain, déchirant et plein de spleen, l'album s'offre aux auditeurs, avec toute sa liberté, mais en enchainant l'auditeur aux cordes tressées par les virevoltantes guitares du groupe. Venus fait frémir de plaisir, Friction et sa montée de fièvre, Elevation qui nous permet de nous remettre de la baffe provoquée par les 10 minutes de Marquee Moon (le sommet de l'album), Guiding Light en plein délire Velvet, et Prove It en duo où voix et guitares se répondent. Les différents instruments du groupe sont en symbiose totale sur chaque titre, la section rythmique ne perdant jamais de son intérêt face au jeu de guitare pourtant hallucinant de Lloyd et Verlaine. L'inédit Little Johnny Jewel est le single que le groupe avait sorti l'année précédente et ne manque pas d'intérêt, ressemblant à du Captain Beefheart mais en audible, un très beau moment. L'instrumental vient prouver l'influence de Love.

Critique de l'album

Voilà un album qui fait le pont entre les plaisirs hypnotiques du psychédélisme et les souffles glacés de la new- et de la cold-wave, en plein crash punk. Quelque part entre deux courants d'hier, mais qui trouve encore de très belles résonances aujourd'hui. Un album auquel on ne pense pas tous les jours, mais qui procure un plaisir d'une telle intensité quand on l'écoute qu'on ne peut s'empêcher de reconnaitre son pouvoir de séduction.

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