mardi 2 octobre 2012

Alain Bashung - Fantaisie Militaire

Alors bon forcément, s'attaquer à un tel monument, ce n'est pas chose aisée. Ce n'est pas tous les jours qu'on se met à parler de ce qui est tout simplement le meilleur album de chanson française. Enfin, peut-on simplement parler de chanson française quand on parle de Bashung?

Critique de l'album

En 1998, ça fait 21 ans que Bashung a sorti son premier disque. Pour toute une génération, dont je suis, Bashung est l'immortel interprète de Vertiges de l'amour, Gaby! et de l'inénarrable Osez Joséphine. Pour toute une génération, cet homme se résumait à une collection de chansons, sans que les albums soient vraiment connus (dommage qui sera réparé par la suite). Et puis, survient La nuit je mens. Dès la première écoute, c'est une claque assurée. Et comme Sommes-Nous (le deuxième single) est du même niveau, il fut incontournable de se ruer sur l'album. Collection de chansons? Non, véritable album avec un son à part entière. Construction parfaite. Entre textes surréalistes et musiques variées, on se laisse complètement emporter, guidé par l'interprétation de mister Bashung.
La musique de l'album ressemble à celle qui soutient les meilleurs moments de la chanson française, avec notamment des arrangements de cordes dignes de ceux de Melody Nelson (pas moins), mais Bashung ajoute aussi une très grande touche de modernité. Il ajoute des guitares rock (sur le titre Fantaisie militaire), des atmosphères quasi-trip-hop (écoutez 2043) comme en atteste la présence d'Adrian Utley, guitariste de Portishead, des constructions de morceaux complexes (avec Mes prisons),  bref, il ne laisse pas l'album sombrer dans une routine. Ainsi, à chaque écoute, c'est comme une nouvelle jeunesse. Les cordes de La nuit je mens sont toujours aussi prenantes, la montée de Fantaisie militaire est toujours aussi forte et la rythmique de Samuel Hall est toujours aussi moderne. Les textes vont de paire avec la musique. Extrêmement poétiques, avec une haute dose de surréalisme, Jean Fauque s'en est donné à cœur joie, et arrive à toucher l'auditeur, en le laissant libre de trouver sa propre signification. En écoutant Fantaisie Militaire, on devient presque acteur de l'album. Et ce d'autant plus que les textes s'attaquent aux cinq sens de l'auditeur, allant jusqu'à être palpables.
Mais ce qui est le plus fort, c'est bien sûr l'interprétation d'Alain Bashung. Il fallait être lui, et uniquement lui, pour pouvoir mettre en chanson ces textes, et les lier à la musique. Seul lui a cette capacité de paraitre tour à tour nonchalant, déchirant, enjoué, classe ou émouvant. Seul lui peut sortir d'une voix quasi-nasillarde une si belle interprétation, aussi juste. Il joue avec les mots avec une délectation évidente, laisse trainer les silences ou accélère le tempo, de façon à trouver le ton le plus juste. Surréalistes, les textes auraient pu tourner au ridicule s'ils avaient été évoqués par un autre, alors qu'ils sont là parfaitement mis en valeur.

Critique de l'album

Musiques, textes, interprétations, rarement ces trois éléments auront été autant cohérents dans un album de chanson française. 14 ans après, on réécoute l'album sans nostalgie, le son n'étant pas daté, en savourant l'éternelle jeunesse qui s'en dégage. Un goût de vie qui submerge l'auditeur et invite au voyage imaginaire. Simplement. Superbe.