mardi 21 août 2012

The Brian Jonestown Massacre - Methodrone

Le Brian Jonestown Massacre a été découvert en France dans le cadre du superbe documentaire Dig, mettant en parallèle les carrières du BJM (groupe underground et qui désire le rester) et des Dandy Warhols (groupe underground qui désire faire la tournée des stades). Forcément, l'intransigeance artistique des premiers force tellement le respect qu'à l'issue du documentaire, une certitude a pris forme: il faut écouter ce groupe. Bonne idée!

Critique de l'album

Quoi de mieux pour découvrir un groupe aussi prolixe que le BJM (11 albums en 10 ans) que de commencer par le commencement (ou presque, puisqu'il s'agit du deuxième album)? Et donc ce Methodrone... Quelle belle découverte! Sans doute le plus bel album et le plus complet du groupe d'ailleurs (même si d'autres perles se sont glissées dans la discographie, comme Take It From The Man). Il y a véritablement dans cet album un son Brian Jonestown Massacre. Les mauvaises langues diront que ce son vient du fait que l'album est à peine produit et que le son est surtout sale, mais ça serait y mettre la mauvaise volonté car il y a plus que cela. Il y a cette espèce de mélange évident et réussi entre le shoegaze (dans la saturation planante des guitares) et la musique psychédélique (notamment dans les instruments utilisés). Forcément avec un nom de groupe comme ça, on pouvait s'y attendre, l'influence des Stones dans leur période la plus psyché est présente, mais, sans les évolutions sonores d'un Loveless, la bande emmenée par Anton Newcombe n'aurait sans doute jamais osé aller aussi loin.
Avec une attitude de poseur tête à claques, digne des frères Gallagher, Newcome déclare haut et fort que le groupe a relancé le rock et a tellement innové que tout le monde lui est redevable... bon, n'exagérons rien, le groupe n'a rien relancé du tout, mais force est de reconnaitre qu'il a su faire un son qu'on n'entend pas tous les jours. Influencé par Cure par instants, mais avec une touche de Velvet Underground, comme une parfaite synthèse des musiques anglaises et américaines, le groupe se lance dans des épopées musicales qui font la part belle aux mélodies aussi bien qu'aux ambiances saturées.
Ecrite par des musiciens drogués jusqu'à l'os, la musique de Methodrone pourrait bien correspondre à la description d'un trip sous héro. Le pendant musical au Festin nu de Burroughs en quelque sorte. Un lieu créé par le groupe, dans lequel on pourrait très bien ne pas entrer, mais une fois qu'on l'a découvert, il est difficile de s'en défaire. Les premières écoutes de l'album donnent l'envie instantanée de le réécouter, comme si tout cela était définitif. Bien sûr, au bout d'un certain temps, on en revient, et a posteriori, on peut dire que l'album est très bon, sans être ce qu'il y a de meilleur. En attendant, quelle claque! Chaque chanson est un plaisir, un morceau d'anthologie, avec des apothéoses comme Wisdom (reprise sur l'album Strung Out In Heaven, où la production vient tout gâcher, la version de Methodrone est la seule et unique), She's Gone (une fanfare irlandaise complètement stone), Hyperventilation (qui donne une sacrée envie de hurler) et Everyone Says, ma chanson préférée de cet album, pop à souhait, mais avec le son propre à l'album, qu'on reprend en choeur.

Critique de l'album

Bref, un vrai plaisir que cet album, avec des batteries en contre-temps des guitares, les premières excitées quand les deuxièmes ralentissent le tout, un vrai son drone, qui vient s'installer jusque dans le titre de l'album, à côté de la méthadone, ce médicament de substitution à l'héroïne. Oui, en fait, tout était dans le titre de l'album. Le reste est dans la musique.

vendredi 17 août 2012

Aimee Mann - Magnolia


Voilà que je triche un peu. La bande-originale du flim Magnolia ne contient normalement pas que des chansons d'Aimee Mann, mais aussi quelques chansons originales ou de Supertramp, mais tout l'intérêt de cette BO réside dans les superbes chansons écrites par Aimee Mann. Une splendide façon de découvrir cette artiste à mon avis trop méconnue.

Critique de l'album

Aimee Mann est une songwriter très talentueuse, qui sait apporter l'émotion qui convient avec une touche de légèreté qui constitue sa marque de fabrique. Elle était donc parfaite pour illustrer le génial objet de Paul Thomas Anderson. Flim chorale aux personnages barrés, légèrement sombre, et pourtant suffisamment drôle et absurde pour être lumineux, tout cela se retrouve à la perfection dans la musique et dans la voix de miss Mann.
La voix d'Aimee Mann est chaleureuse et accueillante, une véritable invitation à l'écoute, car elle n'est pour autant jamais mièvre. La musique est très pop, apparemment influencée par les Beatles, avec des arrangements simples mais d'une efficacité hors pair, il y a quelque chose d'Abbey Road (sans atteindre ce niveau, soyons honnêtes) dans ce bouquet de Magnolia. Mais pas que... car derrière cet aspect pop, voire un peu rock (les guitares de Deathly en sont la preuve), il y a aussi une belle approche folk, celle qui consiste à raconter des histoires et à faire des ballades. Les chansons se construisent toutes seules et on se laisse embarquer dans chacune avec simplicité et plaisir, un peu comme dans l'univers d'Elliott Smith, dont Aimee Mann serait le correspondant féminin.
Si chaque chanson est un vrai petit plaisir, trois sortent amplement du lot, et valent à elles seules qu'on se penche sur le cas de cet album. Tout d'abord, il y a One, chanson d'ouverture, même s'il s'agit d'un mauvais exemple du songwriting de la dame, puisqu'il s'agit d'une reprise, cependant, la façon de chanter d'Aimee Mann et la délicatesse de sa musique est déjà très présente et One est une parfaite façon d'appréhender l'album. Ensuite, il y a Wise Up, que les aficionados du flim reconnaitront, car il s'agit d'une superbe scène, la chanson étant chantée par tout le cast du flim, cette chanson est une très belle ballade au piano qui monte en puissance avec des instruments à cordes et des choeurs, très triste et mélancolique, mais qui renferme (sans doute grâce à la voix d'or d'Aimee Mann) une forme de réconfort, le genre de chansons qui pourrait faire pleurer sans rendre triste. Enfin, l'album se conclue (si on décide, comme je le fais, de s'arrêter à cette partie de l'album) par Save Me, hit single en puissance, injustement passé inaperçu aux yeux du grand public, avec une rythmique dans la voix et dans la guitare qui fait la part belle à la langueur avant de prendre toute son ampleur, les arrangements font peu à peu leur apparition, et installent en 4 minutes 30 un univers d'une richesse insoupçonnée.

Critique de l'album

Bref, de bien bons et beaux moments que ces 9 titres (oui, les 6 autres titres sont aussi très bien), emplis de la luminosité pop-folk de cette grande chanteuse, dans cette ambiance douce-amère, parfaite illustration du flim et parfaite en tant que tel, si bien que les fans du flim devraient se ruer sur l'album, mais ceux qui découvriront l'album sans avoir vu le flim ne seront pas perdus, loin de là, en revanche, ça devrait leur donner envie de voir le flim.

mardi 14 août 2012

Lauryn Hill - The Miseducation Of Lauryn Hill

Quand Lauryn Hill débarque en 1998 avec ce premier album solo, elle est loin d'être une inconnue puisque ça fait des années qu'on la suit avec les Fugees. Oui, mais voilà, autour d'un concept (un professeur expliquant les notions d'amour à des enfants), la jeune princesse va imposer son nom à elle et signer un album largement intemporel.

Critique de l'album

Musicalement, tout commence par un hip hop de haute voltige, pas vraiment sur l'amour, puisque Lost Ones envoie un message à Wyclef Jean: je fais pas ça pour l'argent, it's all about music baby, je te merde. Lauryn, nouvelle princesse hip hop? (c'est en plus ce que laissait suggérer l'immense tube Doo Wap, single de lancement complètement imparable) Et bien, pas vraiment, Ex-Factor vient apporter une touche soul que Lauryn Hill manie à la perfection, vue sa voix, on en était à peu près convaincus, maintenant on en est sûrs.
Et l'album ne sera que ça par la suite: soul, reggae, nu-soul, gospel, hip-hop, le tout soutenu par quelques samples, mais surtout beaucoup d'instruments, loin de toute mécanique électronique. Et cela sied très bien à l'album, soutenant le propos très personnel des chansons. L'exemple le plus parfait étant To Zion, superbe chanson sur sa maternité, Lauryn Hill, soutenue par la guitare de Carlos Santana, y délivre une performance simple, mais désarmante, rappelant à tous la magie qu'il y a à devenir parent, et l'importance que cela a dans la vie, au-delà de toute carrière. Je vous l'avais dit: le message est simple, mais malgré tout, il y a cette conviction dans la voix, cet élan venu de la guitare qui fait qu'on y croit à mort (et on a raison).
A propos d'accompagnateur, Lauryn a su s'entourer sur cet album, puisqu'on retrouve aussi Mary J. Blige, que je n'aime pas trop en solo, mais qui sait illuminer ce I Used To Love Him, aux rythmiques reggae; mais surtout D'Angelo, le roi incontesté de la nu-soul, qui vient délivrer une performance égale à tout ce qu'il sait faire sur Nothing Even Matters, qui n'aurait pas fait pale figure sur Voodoo, comme s'il délivrait le titre de princesse nu-soul à Lauryn Hill. Entre temps, chaque chanson s'impose comme un hit potentiel hip hop (Every Ghetto Every City et son âme à débordement), soul (When It Hurts So Bad sonne comme du Marvin Gaye, c'est tout simplement superbe), raggamuffin (Forgive Them Father a une rythmique affolante). L'album se conclut (officiellement) comme il a commencé, avec un hip hop d'anthologie (Everything Is Everything) et un morceau soul superbement inspiré (Miseducation of Lauryn Hill). Sauf que, pour se faire plaisir, Lauryn a inclus deux titres complémentaires: Tell Him qui viendra finir l'album en douceur, mais surtout une reprise de Can't Take My Eyes Off You, oui on parle bien de cette chanson principalement connue pour sa reprise disco par Gloria Gaynor (rien que d'y penser je fais une overdose de sucre), et qui trouve ici une nouvelle forme de vie, absolument parfaite.

Critique de l'album

Quelque part, il semblerait que miss Hill ait eu la chance de tout réussir sur ce disque, sublimement inspirée par sa vie, et qu'elle délivre avec une telle sincérité qu'il est assez difficile de ne pas accrocher. Sans jamais tomber dans le voyeurisme, l'auditeur se trouve face à un tel monument de sincérité, porté par une voix d'ange noir et posé sur une base musicale si forte et si variée que bouder son plaisir serait une vraie erreur.

jeudi 9 août 2012

Beck - Mutations

4 ans après s'être affiché comme le plus beau Loser de toute une génération (et en avoir fait un véritable hymne), 2 ans après nous avoir expliqué Where it's at, le touche à tout Beck Hansen revient avec un album apparemment plus simple et qui cherche moins à allier toutes ses influences musicales, et pourtant, un de ses meilleurs.

Critique de l'album

Réputé pour avoir (avec talent) réuni folk et hip-hop, Beck a toujours eu une apparence de chercheur, mais ses premiers albums montraient en fait que le garçon est avant tout un grand amateur de country-folk. Avec Mutations, il ne cherche plus à épater la galerie, il met juste en place un album de pop-folk, plus épuré, plus personnel, et sans doute un de ses plus réussis. Peut-être parce que le son est juste comme il faut, pop, rêveur, mais sans en faire trop (désolé Nigel, je t'adore, mais Sea Changes est surproduit). Peut-être parce que c'est l'album qui regorge le plus de mélodies qu'on chantonne, qu'on sifflote et qu'on prend plaisir à retrouver (chaque chanson est construite comme une pop-song). Peut-être parce qu'en debhors du hip-hop, Beck prend quand même un malin plaisir à mélanger plein d'influences.
Et oui, si Odelay et Mellow Gold (que j'aime beaucoup) étaient très ouvertement transgenres, Mutations semble plus cohérent. Et pourtant, Nobody's Fault But My Own est une folk psychédélique à base de sitar, Tropicalia est une bossa-nova-samba, Canceled Check se dandine en country, O Maria sort tout droit d'un bar à crooner... bref, un peu à la manière du White Album pour les Beatles, Beck convoque foule de styles musicaux et les enferme ensemble dans un album, et oh magie! le tout se marie très bien ensemble. (bon, je dis pas qu'on a là un objet du niveau du White Album, hein) Et puis, il y a la fin de l'album et ce Diamond Bollocks, la touche électrique de cet album très acoustique (guitares, harmonica, piano, on tourne plutôt à l'acoustique). Cette chanson est la synthèse avant l'heure de ce que Midnite Vulture a essayé d'être, sauf que là, c'est très très réussi. La chanson est une sorte pop-rock psyché passé à la moulinette prog-rock à la Mars Volta, en quelque sorte le Paranoid Android de Beck.
La voix du sieur Hansen est quant à elle tout simplement épatante. On se laisse porter par son côté négligé, tout en étant bien conscient que rien de tout ça n'est véritablement négligé. Il a une nonchalance et une langueur qui cadre parfaitement aux styles musicaux de cet album. C'est sans doute aussi pour ça qu'il est l'un des plus réussis, car on a l'impression que chaque chanson lui ressemble et qu'il n'a pas eu à forcer pour être celui qu'on attend qu'il soit, ici il n'est que celui qu'il est tout simplement.

Critique de l'album

14 ans après sa sortie, voilà sans doute l'album de Beck que j'écoute le plus souvent (avec son dernier Modern Guilt, mais c'est autant pour lui que pour Danger Mouse, à qui je déclarerai prochainement ma flamme), celui qui me touche le plus, par son dépouillement apparemment, autant que par son immense diversité réelle, par ses mélodies et par sa sincérité.

mercredi 8 août 2012

Jefferson Airplane - After Bathing At Baxter's

Les Jefferson Airplane, au faîte de leur gloire en 1967 après les hits White Rabbitt et Somebody To Love, décident d'assumer leur part de psychédélisme en poussant l'expérience plus avant, et sortent ce Bathing At Baxter's, un vrai manifeste de pop-rock psychédélique.

Critique de l'album

Le chant de Grace Slick est toujours très puissant, très marqué (un peu ampoulé même), et ressemble plus que jamais à une incantation infinie. Soutenue par des doublements ou triplements de voix de la part de ces comparses, elle apparait comme une véritable prêtresse. Sa voix hallucinée est le reflet parfait et le seul possible à la musique que fournit le groupe.
Musiques psychédéliques, et donc, rythmes hypnotiques en boucle, solos de guitares, bien foutus mais jamais virtuoses. Car le psychédélisme n'est jamais dans la technicité, mais dans le pur ressenti, dans l'effet que doit produire la musique sur l'auditeur. Le disque se découpe en 5 parties (sans doute l'influence des concept albums de l'époque) mais s'écoute en fait comme un tout. Dès le deuxième titre, le groupe montre ce qui est ensuite une évidence: ils étaient tous drogués jusqu'au bout des ongles. Pastilles de LSD, poêlée de champignons, je ne sais pas à quoi ils tournaient le plus, mais leur musique transpire la drogue. Tant mieux pour l'auditeur qui, pris par les tourbillons musicaux, se retrouve dans un état second à la simple écoute des titres de ce Baxter's.
Enchainant les tubes quasi-pop (Wild Tyme) et les morceaux quasi-anxiogènes (Rejoyce, en hommage à l'auteur d'Ulysse, on pourrait faire difficilement plus déconstruit comme inspiration), le groupe semble avoir atteint son apogée, très à l'aise dans tout ce qu'il entreprend et se permet d'ailleurs d'entreprendre tout et n'importe quoi: Spare Chaynge, le morceau instrumental et expérimental de 9 minutes ressemble à du Can avant l'heure et Won't You Try/Saturday Afternoon est la complainte la plus hypnotique des années hippies.

Critique de l'album

Alors que Love portait, cette même année, le folk psyché à son sommet, tandis que Jimi, les Doors et autres Pink Floyd s'essayait au psychédélisme sous ses formes blues, rock et pop, Jefferson Airplanes posait sur leur route une borne, ou plutôt un phare, lumières tous azimut(é)s, sur leur route. L'album s'écoute avec un immense plaisir hallucinogène, malgré un son un peu daté, qui fait d'ailleurs parti du charme du groupe.

mardi 7 août 2012

Curtis Mayfield - Superfly

Les bandes-originales de flim sont souvent de bons prétextes à une bonne collection de chansons ressemblant à une compilation, ou alors une somme de mélodies plus ou moins répétitives. Mais des bandes-sons qui sont une collection de chansons originales, voilà qui est plus rare. A fortiori quand les chansons sont du niveau de Superfly.

Critique de l'album
On est en 1972, et Marvin Gaye a décomplexé la soul il y a un an avec le toujours aussi merveilleux What's Goin' On? Curtis Mayfield, déjà assez éblouissant sur ses précédents essais profite du champ qui lui est offert dans le cadre d'un flim (mais qui l'a vu aujourd'hui?) pour donner sa réponse. Superfly est donc dans la nouvelle mouvance de la soul, celle qui en plus d'être sensuelle s'avère être intelligente. Il est question ici des problèmes des ghettos et de la drogue, mais le tout est susurré par la voix suave et féline de Curtis Mayfield.
La musique qui l'accompagne est bien de la soul, mais avec une grosse tendance funk, comme si Mayfield avait décidé de définir le concept de soul groovy: les instruments à cordes enrobent l'ensemble comme dans tout bel album de soul, et si les cuivres sont très présents, ils sont plus rythmés, par ailleurs, les guitares wah-wah complètent le paysage musical créé pour l'occasion. Et les percussions... quel bonheur que ces percussions! De véritables perles de groove tant dans le rythme que dans leurs sonorités, quasi-africaines par instant. Rien de synthétique en tout cas dans cet album. Chaque instrument est perceptible et quasiment tactile. Les lignes de basse accompagnent à la perfection chaque titre, ou plutôt chaque perle devrait-on dire.
Car qu'y a-t-il à jeter sur cet album? Soyons francs, rien! Qu'il s'agisse de pures chansons soul (Give Me Your Love, qui a dû faire pâlir d'envie Marvin Gaye par sa sensuelle beauté) ou de musiques plus rythmées (Superfly, parfait), tout semble réussir à Curtis Mayfield qui apparait dans un véritable état de grâce. Mais ne pas citer les pistes instrumentales (Junkie Chase rivalise avec le meilleur de Isaac Hayes) ne serait pas rendre justice à l’œuvre. Et plus belles encore sont les trois premières pistes de l'album, synthèse de cette soul groovy sur Little Child Runnin' Wild, sonorités des percussions et lignes de basse parfaites sur Pusherman et mélodie superbe et production parfaite sur Freddie's Dead. Ce triptyque constitue, à ma connaissance, les 15 minutes les plus parfaites jamais écrites par Curtis Mayfield, et sont en bonne place pour rivaliser avec le medley d'ouverture de What's Goin' On? au panthéon de ce que la musique black des années 70 a fait de plus beau.

Critique de l'album

Ce qui est fort, c'est que malgré cette perfection à l'ouverture, le reste de l'album ne parait pas fade, mais est parfaitement à l'avenant. Entendre les premières notes de Little Child Runnin' Wild, c'est se lancer dans l'album dans son intégralité, car il est dur de l'interrompre, tant l'ensemble est cohérent et s'apprécie sur la durée d'un album. Une perle de soul sensuel et groovy, à réécouter en boucle.

lundi 6 août 2012

Le Klub Des 7 - La Classe De Musique

Le hip-hop français a toujours été soit très sérieux (problèmes de société chez les initiateurs du genre) ou à base d'egotripping (et autres dérives: cul, flingue, thunes et autres clichés insupportables chez les plus suiveurs peu inspirés), jusqu'à ce que débarque le Klub des 7. Après un premier album gentiment jouissif, ils reviennent en 2009 avec cette Classe de musique... passage en grande section.



Le Klub des 7, c'est sept mecs issus du hip-hop underground (Klub des loosers, Svinkels ou ATK notamment, soit une bonne partie des potes de l'Atelier). Avec des flows variés (Fuzati parle plus qu'il ne rappe pendant que Cyanure a un flow complètement ahurissant), l'ensemble aurait pu être sacrément disparate et n'avoir aucun sens, mais au contraire, cette diversité interpelle, et nous pousse à écouter plus avant les paroles.
Celles-ci sont à hurler de rire. Globalement, les mecs du Klub se prennent pour une bande d'élèves (mal élevés) qui se posent plein de questions sur l'avenir, découvrent l'onanisme, passent en conseil de discipline ou forment leur Klub. Auto-dérision à tous les (ét)âges, jeux de mots plus ou moins foireux, mais toujours assumés et donc hilarants, phases à tiroirs, écouter le Klub, c'est prendre une grande dose de poilade, tout en se prenant un coup de nostalgie. Car malgré la grosse marade, il y a quelque chose d'assez vrai dans tout ce que ces mecs racontent.
Mais ne parler que des flows ou des paroles, c'est oublié la musique et la production. Au poil... un bonheur permanent! Disques de funk samplés dans un esprit groovy très seventies, super jouissif, soutenus par des beats variés et des scratchs présents comme il faut, sans en faire trop. La production est tout simplement superbe, le son est rond et est parfaitement en ligne avec les thématiques des textes, le tout libérant une ambiance sépia, nostalgique sans jamais tomber dans le mélancolique. On retrouve par instant des délires avec des dialogues dignes du Club des 5, mais qui sont tellement bien intégrés dans l'ensemble qu'on les écoute non comme des délires, mais comme des morceaux à part entière.



Parfait de bout en bout (à part peut-être l'introduction qui fait rire les deux premières fois et lasse au bout d'un moment), l'album se paie même le luxe de savoir rendre un très bel hommage à Freddy K, un des membres du Klub décédé pendant l'enregistrement, sans verser à aucun moment dans le larmoyant. Preuve que, sous des airs potaches, le Klub est en fait d'une sacrée finesse. Le fleuron de la scène française actuelle, en toute simplicité.

vendredi 3 août 2012

Pg. Lost - Yes I Am

Le post-rock est un vaste panier qui regroupe pêle-mêle, et selon les avis, des groupes aussi divers que Godspeed ou Sigur Ros. Dans toute cette mêlée, un petit groupe de Suédois a sorti son épingle du jeu avec cet EP, Pg. Lost "Yes I Am", une histoire d'amour entre les musiciens, la musique et les auditeurs.

Critique de l'album
Pg. Lost aborde le post-rock comme le font les savants petits pères de Explosions In The Sky, c'est-à-dire en mettant en avant leurs mélodies. Là où Godspeed est avant tout un groupe à la recherche d'expérimentations, notamment sonores, Pg. Lost demeure très classique dans sa façon d'aborder la musique. Assez facile d'accès donc. Les chansons de cet EP font partie de cette catégorie de musique où il faut se laisser porter. Elles commencent souvent par des plages assez contemplatives et lentes, avant de monter en puissance et de s'imposer comme des monuments de rythmiques dotés d'un mur du son saturé impressionnant.
Pour qui prendrait la chanson en cours de route, il y aurait lieu d'être sacrément dérouté. Guitares énervées, batterie au diapason, prendre le train en marche reviendrait à se plonger dans une œuvre de metal déconstruite, bref du bruit. Mais pour qui a suivi toute la démarche de l'artiste et s'est laissé porter par la chanson, ces plages de bruit sont de véritables moments de bonheur car tout est venu de façon parfaitement normale et logique, les guitares sont déchirantes, la batterie épique et le tout est impressionnant de sincérité et d'émotions.
Car il ne s'agit que de ça chez Pg. Lost, d'émotions. On a à faire ici avec une musique jamais cérébrale, quelque chose de purement viscérale, qui fait passer l'auditeur par une palette d'émotions faramineuse: tristesse, fierté, mélancolie, joie, colère et si possible le tout au sein du même titre. Tout se base sur des instruments, sans voix additionnelle, preuve que l'émotion ne dépend pas que de la voix ou d'une mélodie, mais bien aussi d'une simple sensation.





Montées infinies, sentiments à fleur de peau, mélodies au cordeau, rythmiques parfaites, guitares aux petits oignons, on a assez envie que cet album n'en finisse jamais, que chaque morceau dure une éternité (aucun ne dure malheureusement autant que Sleep de Godspeed, et aucun ne va aussi loin d'ailleurs) et que le groupe joue encore et encore. Ca tombe bien, la touche repeat a été inventée pour ça!

jeudi 2 août 2012

Nick Drake - Pink Moon

Peut-on juger un album sur sa longueur? Certains critiques ont ces temps-ci une malheureuse tendance à le faire. C'est à mon avis une ineptie. Prenons Pink Moon. Chef d’œuvre s'il en est, claque instantanée de pur folk, sans rien à jeter, le tout en moins de 30 minutes. On imagine mal aujourd'hui qu'une note ait pu être ajouté à ce monument de la musique, qui est très bien comme il est. Moins de 30 minutes, oui, mais pour une plénitude tellement folle qu'il serait sot de bouder notre plaisir.

Critique de l'album

Concrètement, pour ceux qui ne connaissent pas encore cet album (et malheureusement ils sont trop nombreux), Pink Moon est le 3° album d'un songwriter anglais, qui enchaina échecs commerciaux et dépressions avec la précision d'une horloge suisse. Malgré tout, il sort en 1972 cet ultime album (il mourra à 26 ans d'une overdose médicamenteuse), une sorte d'apogée de son art. Les précédents albums étaient déjà de véritables perles de folk, avec de superbes arrangements, visiblement inspiré par Van Morrison (on peut comprendre), mais il se dépouille complètement sur Pink Moon, où il se retrouve seul face à sa voix et sa guitare (et un piano sur le titre éponyme qui sert d'ouverture à l'album).
Ce dépouillement musical est aussi un dépouillement de l'auteur-compositeur-interprète qui semble se livrer sur chacun des 11 titres qui composent l'album. Sa voix est bien celle d'un jeune homme, mais elle trahit aussi le fait qu'il semble avoir déjà bien trop vécu, elle évoque celle d'un homme d'expérience. On pense parfois à Tim Buckley dans la façon de chanter. A l'écoute des chansons, on se laisse complètement aller dans un monde dépouillé mais jamais désert, car la voix du bonhomme a, malgré la mélancolie évidente que l'on ressent au premier abord, une certaine chaleur, une façon d'habiter l'espace qui rend heureux. C'est cela la magie de Nick Drake, celle de faire surgir des sentiments apparemment contradictoires, mais finalement complémentaires.
La guitare est simple, mais non simpliste, acoustique et joliment maniée, faisant tourner en boucle des riffs folk desquels Drake s'entoure pour raconter la vie. Car on ne ressent pas dans cette musique la création d'univers ou de rêves, on ne ressent que la vie de l'auteur. Un homme seul, mais qui avait en lui la volonté d'aimer, car il y a une sorte de romantisme dans les chansons de Nick Drake.

Critique de l'album

Voilà en tout cas un album qui ne devrait pas manquer d'enthousiasmer tous les amateurs d'Elliot Smith ou Keren Ann, chez qui on ressent une filiation immédiate. On apprend aussi de façon plus surprenante que les Cure et Mars Volta ont été inspirés par cet immense petit artiste, et puis finalement non, rien de surprenant, quand on raconte aussi bien la vie, quelque soit le style, on ne peut qu'être admiratif. 28 minutes qu'on écoute en boucle car il y a plus de substance à absorber et de beauté à découvrir dans ces 28 minutes que dans la carrière entière de certains artistes.

mercredi 1 août 2012

Girl Talk - Feed The Animals

Le mashup est un genre assez casse-cou. A la base, mélanger des musiques semble être assez simple, sauf que le faire de manière harmonieuse est franchement plus complexe, a fortiori au niveau de Girl Talk. Car si DJ Zebra fait de sympathiques mixes à base deux morceaux, on parle ici de 15 ou 20 morceaux samplés entre eux pour n'en former qu'un.

Critique de l'album
Vous me direz que Shadow ou les Avalanches ont déjà fait ça avec talent, alors pourquoi s'esbaudir en 2008 d'un tel album? Et bien parce que l'exercice n'a rien à voir. Shadow et Avalanches ont tellement remixé les titres qu'ils sont méconnaissables, alors que Girl Talk laisse suffisamment à entendre pour qu'on reconnaisse les morceaux... enfin certains morceaux, car soyons honnêtes, même avec une bonne grosse culture musicale, il est assez dur de reconnaitre l'ensemble des samples. Le mieux pour s'y retrouver est d'aller sur readyrickshaw où les samples sont très bien présentés.
Ecouter Girl Talk pour la première fois, c'est risquer de devenir hystérique. Au moment où on commence à se dire "mais oui, c'est ça", le sample a déjà disparu pour laisser place à 3 autres morceaux. Alors Radiohead + Jay Z précédé de Ace of Base en mode hip hop, ça vous branche? Etonnamment, on arrête assez vite de vouloir tout retrouver parce que les morceaux sont bons en tant que tels. Le plaisir ne vient plus des morceaux qui sont samplés, mais du sample lui-même. Brillant, électro, dansant, très hip hop, malgré de grosses incursions rock, les titres s'enchainent avec une efficacité sans faille.
Alors, même si certains morceaux sont assez douteux dans le choix de base (Avril Lavigne, vraiment????), on se laisse complètement emporté, bien plus encore que lors des mixes pourtant déjà assez excellents de 2 Many DJs, sans doute parce que les rythmiques sont encore plus folles, que l'ambiance qui en ressort est torride. Et on finit l'album avec une envie unique: voir ce mec en live et se laisser porter par ses mixes de folie.

Critique de l'album
A écouter en boucle jusqu'à la folie ou en soirée pour allumer le feu, Feed the Animals est en tout cas une jolie baffe dans la gueule de tous les amateurs de musique, créé par un dévoreur de disques, un homme sans frontière, capable d'assimiler les sons de 50 ans de pop et d'en restituer un son nouveau, diablement festif... bref, une sorte de Beastie Boys des temps modernes.